Nous sommes en 1650. L’alsace se relève tout juste des sévices de la guerre de 30 ans. La paix retrouvée voit les arts refleurir, et tout particulièrement la musique qui s’ouvre à l’influence italienne. Entre catholiques et protestants, empire des Habsbourg et couronne de France, Strasbourg conserve son indépendance qui la faisait comparer par Erasme à la République idéale de Platon. Originaire de Haguenau, organiste et bassoniste virtuose, Philipp Friedrich Böddecker est alors un musicien très prisé. Son talent de compositeur lui permet de gravir les échelons jusqu’au poste de maître de chapelle de la cathédrale de Strasbourg. Il publie en 1651 son recueil Sacra Partitura, ouvrant la voie à une nouvelle musique profondément rhénane et baroque. La vocalité, italienne et virtuose, y délivre les premiers concerts sacrés en langue allemande publiés à Strasbourg aux côtés de psaumes en latin. A l’origine de ce programme, la cantate de Noël Natus est Jesus interprétée en 2023 par les musiciens de l’ensemble Double Face les émerveille par son alliance subtile entre chanson populaire et écriture savante, entre expressivité musicale et intelligence scénique. Ils décident alors de travailler en profondeur sur l'oeuvre de Böddecker, convaincus de sa capacité à émouvoir les publics d’aujourd’hui, bien au-delà de sa fonction liturgique originale. La densité et l’économie de moyens qui caractérisent la Sacra Partitura, échos d’une société profondément meurtrie par la guerre, offrent aux musiciens une grande liberté d’interprétation. Ils mettent en valeur les cornets à bouquin de Marie Garnier et la viole de gambe de Kevin Bourdat, instruments rois dans l’Alsace de cette époque, en leur confiant alternativement des rôles de solistes et d’accompagnateurs.